Extrait du rapport rédigé en septembre 2022 par Chiara Lastraioli (responsable scientifique du programme BVH) pour le prochain contrat HCERES 2023-2028.

Le programme BVH, aujourd’hui

Les « Bibliothèques Virtuelles Humanistes » (BVH) sont un programme de recherche du CESR portant sur le patrimoine écrit, manuscrit et imprimé, de la Renaissance. Les actions scientifiques concernant les données bio-bibliographiques, l’édition numérique d’archives manuscrites et d’imprimés, les matériels typographiques, sont développées systématiquement avec les acteurs d’un vaste territoire qui s’étend du bassin ligérien aux frontières de la Nouvelle Aquitaine. Il s’agit le plus souvent de bibliothèques relevant de la tutelle du MCC et du MESRI, de laboratoires de recherche en informatique (LIFAT), en humanités ou humanités numériques (IRHT, MSH Val-de-Loire). Les BVH coordonnent également, pour le Ministère de la Culture, la publication des Catalogues Régionaux des Incunables aussi bien dans la version papier qu’informatisée. L’ensemble des corpus et les données qui les composent (images, textes, personnes, lieux, institutions, etc.) alimentent d’ores et déjà Gallica, Europeana, EDIT16, le portail de l’equipex Biblissima et sont alignés avec les principaux référentiels et catalogues internationaux (VIAF, USTC, ISTC). Ils font également l’objet de recherche dans le domaine de la linguistique, des OCR, de l’étude des provenances. Les BVH ont été par ailleurs un acteur stratégique au sein du consortium CAHIER de l’IR* Huma-Num et figurent parmi les partenaires du nouveau projet de consortium ARIANE. Les membres du programme BVH poursuivent les recherches sur les documents patrimoniaux de la Renaissance par le signalement, la description et l’édition des textes, au service de l’ouverture et de l’interopérabilité des données par la mise en œuvre de modèles standardisés (XML-TEI) et de protocoles (IIIF), en faisant un lieu d’application de la « fairisation » des données et un pôle d’attraction de chercheurs étrangers en lien avec l’Institute for Advanced Studies « LE STUDIUM ». L’équipe des BVH compte sur des sources de financement complémentaires : Ministère de la Culture, Equipex Biblissima+, AAP ANR, CPER et FEDER.

État des lieux des forces et des faiblesses du programme BVH

Les BVH contribuent depuis deux décennies à la mise en valeur du patrimoine écrit de la Renaissance aux niveaux régional, national et international et ont été pionnières dans la valorisation des recherches de pointe sur les textes, les livres, les matériaux typographiques, les collections patrimoniales. Ses membres enseignants-chercheurs et ingénieurs continuent d’y développer des recherches fondamentales liées aux intérêts du CESR sur des projets spécifiques contribuant à l’évolution et l’enrichissement de la bibliothèque virtuelle, tout en formant des nouveaux spécialistes dans ces domaines (via notamment les formations du CESR sur le patrimoine écrit et les formations continues en XML-TEI). Elles sont également au centre d’un réseau d’expertise en ce qui concerne le développement d’infrastructures textuelles (en format image et texte) et pour ce qui relève de l’édition d’ouvrages annotées (cf. l’édition du Térence de Montaigne).

De la collaboration avec l’equipex Biblissima (devenu Biblissima+) et le consortium Cahier (actuellement en phase de réélaboration dans le consortium Ariane), ainsi qu’en raison des exigences d’évolutions technologiques, d’ouverture et de partage pour l’interopérabilité des données de la recherche au niveau international, naît la nécessité d’une refonte de l’infrastructure qui permet l’alimentation, la gestion et la mise en ligne des données des BVH et des projets bio-bibliographiques et typographiques en cours au sein du programme. Cette refonte occupera les premières années du contrat à venir, en ralentissant sans doute l’activité de production de nouvelles données et leur mise en ligne, mais permettant une organisation plus efficace des données existantes, ainsi que leur “FAIRisation” avec les repositories et les thésaurus nationaux et internationaux. Cette restructuration accroîtra la présence, déjà bien établie, des BVH parmi les programmes internationaux sur les textes manuscrits et imprimés de la Renaissance, tout en consolidant le dialogue entre recherche partenariale en région et les grandes infrastructures bibliographiques internationales (MEI, USTC, Europeana, etc.).

Si l’un des points forts du programme relève justement de sa capacité à collaborer avec des partenaires disséminés dans les territoires régionaux ou, plus généralement, éloignés des infrastructures parisiennes, et de servir de relai de signalement et de valorisation du patrimoine local, on observe une certaine difficulté à faire front aux multiples demandes de collaboration aussi bien pour ce qui relève de la gestion des campagnes de numérisation – nécessitant des traitement administratifs, scientifiques et informatiques multiples -, que pour la mise à disposition des éditions encodées en TEI et cela en raison du manque de personnel stable. La succession de contractuels sur des courtes périodes engendre une perte de compétences et de temps, qui alimente par ailleurs le sentiment de précarité au sein de l’équipe statutaire. Des demandes de postes pour un renforcement de l’équipe technique des BVH ont été par ailleurs déjà adressées aux tutelles, tout en sachant que les derniers recrutements d’enseignants-chercheurs n’ont renforcé que partiellement l’équipe scientifique qui entend élargir le champ d’action au-delà du bassin ligérien et de la seule littérature française. Le programme constitue, par ailleurs, un pôle d’attraction pour des chercheurs étrangers qui souhaitent collaborer aux activités scientifiques (chercheurs invités via l’Institute for Advanced Studies « Le Studium » ou dans le cadre d’accords spécifiques).

Structuration, effectifs & orientations scientifiques

L’activité à venir du programme BVH s’articulera avec celle du laboratoire CESR, qui est en train de monter en puissance dans différents domaines des humanités numériques (philologie numérique, diffusion du patrimoine musical, activités de valorisation auprès du grand public), tout en offrant des nouveaux outils aux chercheurs qui s’intéressent à la littérature et à la production et circulation du livre.

Les BVH entendent continuer dans la mise en valeur de fonds régionaux relevant du MCC et du MESRI, en élargissant leur zone d’action au « grand Centre-Ouest ». Les travaux de recensement et de description des sources historiques, aussi bien manuscrites qu’imprimées, se poursuivront dans des bibliothèques et des archives de cette région ligérienne élargie. D’autres projets scientifiques en cours prévoient des incursions dans des aires « de frontière » : Nouvelle Aquitaine, Savoie, région niçoise, Suisse Romande, Piémont et Vallée d’Aoste. Ces projets viendront enrichir le volet « Fac-similés » du programme et des bases de données et donneront lieu à la numérisation d’imprimés (XV^e-XVII^e siècles), de catalogues et d’inventaires manuscrits, ainsi qu’au relevé systématique des marques de provenances.

Les données prosopographiques et géographiques concernant les incunables (CRIICO) et les auteurs français du XVI^e siècle (Bibliotheques françoises de La Croix du Maine et de Du Verdier et projet Scripta Manent sur les réseaux de sociabilité dans les ouvrages imprimés) seront enrichies, dans les années à venir, par celles développées au sein de projets en cours, portant sur les corpus poétiques manuscrits (projet PoMONE et manuscrits italiens XV^e-XVII^e siècles), sur le dépouillement et la transcription d’archives locales (projet Renumar) et d’archives de chercheurs (« fonds Pierre Aquilon » sur les inventaires des bibliothèques privées), sur les provenances des imprimés en italien dans l’espace francophone (projet EDITEF), pourront alimenter le portail Biblissima et faire l’objet de dépôt auprès de partenaires internationaux (ICCU, CERL, IdREF, DARIAH, etc.). La plupart de ces projets sont réalisés grâce à des collaborations académiques (notamment avec l’IRHT, la MSH Val de Loire et la MRSH de Caen, des bibliothèques municipales et ecclésiastiques) et répondent aux préconisations de la science ouverte.

Les BVH poursuivent le développement d’un corpus de la première modernité en français dans des formats ouverts. La base textuelle Epistemon s’enrichira de nouvelles éditions critiques concernant l’édition de 1595 des Essais de Montaigne, les Oeuvres poétiques de Mellin de Saint-Gelais, la première édition des Bibliotheques françoises. Outre les textes littéraires, des archives manuscrites renseignant sur des réseaux ou des milieux particuliers seront disponibles grâce à des collaborations avec des historiens (projet Renumar) ou des littéraires de l’université Gustave Eiffel. La numérisation et la transcription en TEI des Registres Frotté, par exemple, permettra de mieux connaître le livre des comptes de Marguerite de Navarre et son mécénat auprès de lettrés et artistes.

Les corpus Rabelais, Montaigne et Ronsard (toujours en cours d’élaboration) permettent l’entraînement des OCR et l’exploitation statistique des données brutes ou annotées, avec la mise à jour des bibliographies actuelles sur les ouvrages conservés en bibliothèque ou en mains privées (projet Médor, Mémoire de Données Rabelais, par exemple). La reconstitution des bibliothèques privées (fac-similés, éditions numériques, visualisation 2D-3D) suscite beaucoup d’intérêt, pour les auteurs majeurs et par l’exploitation des inventaires indispensables aux recherches sur l’histoire de la diffusion de la lecture et des savoirs. Ce corpus sera augmenté, dans les huit années à venir, d’éditions de textes poétiques manuscrits totalement inédits (projet POMONE), tout en renvoyant à la base de données Jonas (IRHT) et aux référentiels Biblissima.

Dans le cadre du projet ANR TypoReF (Typographie de la Renaissance Française), coordonné par Rémi Jimenes (2023-2027), et dans le prolongement des recherches entreprises de longue date en partenariat avec le Laboratoire d’informatique de l’université de Tours (saluées par deux Google Digital Humanities Awards en 2011 et 2012), l’équipe poursuivra le recensement et l’étude des matériels d’imprimerie de la Renaissance. Ce travail, centré sur la Base de Typographie de la Renaissance (BaTyR), dont l’architecture va être prochainement refondue, permettra d’identifier les principaux acteurs impliqués dans l’évolution des formes typographiques, de mieux connaître les conditions concrètes de production, de vente et de circulation des matériels, et de développer de nouveaux outils informatiques permettant l’analyse et l’identification des matériels d’imprimerie anciens. Il s’agira ainsi d’offrir à la communauté scientifique des données de références dûment établies et indexées, qui permettront l’identification d’éditions anonymes et l’étude des pratiques de mise en page. Une enquête de fond de nature archéologique sur les matériels conservés dans les musées européens (Anvers et Lyon principalement) est également prévue. Elle comportera l’étude de la composition métallique des alliages utilisés pour la fonte des caractères anciens (conservés à la réserve de la BnF et pour l’heure jamais étudiés) et l’analyse des techniques de gravure des matrices d’impression (bois et cuivres) conservées.

L’équipe du programme BVH compte en 2022 cinq enseignants-chercheurs en littérature française, histoire du livre et littératures européennes, et s’appuie sur un ingénieur de recherche CNRS et une ingénieure d’études Université. Aux statutaires, s’ajoutent un ingénieur d’études contractuel depuis presque 10 ans et, suivant les projets, plusieurs IGE sur des contrats courts (de 3 à 12 mois). L’équipe accueille régulièrement des stagiaires issus des formations locales, nationales et internationales en histoire du livre et en informatique et ouvre ses portes aux doctorants lors des formations XML-TEI ou pour l’établissement d’éditions numériques annotées.

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